On parle beaucoup de harcèlement scolaire en ce moment et la plupart des campagnes de prévention sont axées sur la parole du type "en parler, c’est se libérer". Qu’en pensez-vous ?
C’est bien entendu essentiel d’avoir un espace de parole avec ses parents, de pouvoir être entendu par les adultes, notamment les enseignants. Changer d’école peut parfois également aider à régler la situation mais la posture de l’enfant dans la situation de harcèlement est essentielle, pour que cela ne se reproduise pas. Florence Millot, psychologue, a écrit un ouvrage qui s’intitule « J’me laisse pas faire à la cour de recré ». Je travaille beaucoup avec ses outils qui permettent de travailler sur la répartie. Qu’est-ce que je réponds à un harceleur quand je suis agressé(e) ? Comment ne pas prendre une posture de victime ? On travaille également sur l’estime de soi, à comprendre les mécanismes de l’agresseur, à répondre par une question1, à résister, à travailler sur l’opinion qui est différente de la vérité. J'ajouterais : l'agresseur est rarement dans la réflexion. Le fait de répondre par une question l'amène à réfléchir et le décontenance.
Est-ce qu’on peut travailler cela en famille ? Quels conseils donner aux parents ?
Il faut bien entendu que l’enfant puisse être entendu, et les parents doivent parler harcèlement sans attendre le collège. Le harcèlement scolaire existe dès l’école primaire même si ce n’est pas la majorité. On peut faire des jeux de rôle avec les enfants, endosser le rôle du harceleur puis du harcelé pour travailler sur la répartie. Par exemple, si l’on se moque de moi parce que j’ai des chaussures rouges, poser la question « Qu’est ce qui te dérange dans mes chaussures ? Tu peux ne pas les aimer mais moi, je les aime ». Évidemment, les enfants qui ont une bonne estime d’eux-mêmes ne sont pas des victimes potentielle mais à cet âge, c’est compliqué d’avoir confiance en soi…. Le rôle des parents est essentiel. (NDLR : voir notre article dédié à l'estime de soi chez les enfants)
Et puis, il y a aussi les parents d’enfants harceleurs, on oublie souvent d’en parler : accepter l’annonce, accompagner son enfant à prendre conscience de ses actes. Par exemple, il faut comprendre que l’enfant a occupé une place qui lui a plu… Comment trouver une façon de s’affirmer qui ne soit pas dans la violence et le négatif, par le sport, une activité artistique…2 L’enfant victime comme l’enfant harceleur, et leurs parents, peuvent trouver chez un psychologue des outils pour dépasser ce moment très difficile de l’adolescence.
La phobie scolaire peut venir du harcèlement ? Ou d’autre chose ?
Ce sont deux problématiques différentes. Bien sûr, la victime de harcèlement peut ne plus vouloir aller à l’école et c’est l’un des premiers signes qui peut alerter3 mais elle peut aussi être très isolée, irritable ou encore se montrer très positive (je me suis battu(e) mais tout va bien) ou encore… ne rien montrer.
La phobie scolaire, elle, est une peur d’aller à l’école et elle peut venir de nombreuses causes comme, notamment, l’anxiété de performance. Il faut donc chercher les causes externes (le harcèlement, par exemple) ou internes (la peur d’échouer). Si c’est l’anxiété de performance, on expliquera à l’enfant que c’est l’échec qui construit et fait avancer son cerveau, tout comme il est tombé pour apprendre à marcher ou s’est barbouillé de sauce tomate pour apprendre à manger. La phobie scolaire se manifeste parfois par des symptômes physiques : céphalées, maux de ventre… C’est un autre sujet que le harcèlement… et là encore, il faut être attentif à l’enfant, à ce qu’il dit… et à ce qu’il ne dit pas avec ses changements de comportement. La qualité du sommeil est un des premiers alerteurs.