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Rencontre avec Sandrine Frison

Présidente de l’association Chromosome Surprise and Co et maman de la championne du monde de tennis de table (adapté) Camille Frison
Dans la rubrique « écrits d'experts » de notre blog L’Atelier STABILO, vous avez lu et entendu les professionnels de l’écriture, de l’orthophonie, un gaucher célèbre en escrime, une auteure de livres jeunesse... Mais nous n’avions jamais interviewé d’expertes en « mamancourage ». Bon, il est vrai que des expertes en « mamancourage », il y en a des millions. Cette maman-là, que l’on vous présente aujourd’hui, a une enfant avec un p’tit truc en plus, et non seulement elle n’a jamais baissé les bras mais elle les lève hauts, forts, grands pour sa fille championne du monde et trisomique. Et elle intervient partout où elle peut pour porter la parole de l’handifférence. Portrait de Sandrine, et au travers d’elle, portrait de Camille.

Avant de vous rapporter notre échange, rencontrons Camille et parlons de sport adapté.

Camille va avoir 27 ans, elle est la cadette d’une famille de 3 enfants. Comme sa maman, son papa, son frère et sa sœur, il était inconcevable qu’elle ne fasse pas de sport. Alors, Camille a essayé pas moins de 15 sports ! Elle est restée sur le sport qu’elle préfère : le tennis de table. Et à 27 ans, Camille est multi championne du monde dans son sport, dans sa catégorie trisomique, médaillée en Europe et elle vient d’être médaillée bronze aux Championnats de France qui ne distinguent pas les catégories d’handicap mental. Les trisomiques ont des particularités physiques qui ne sont pas prises en compte sur les épreuves nationales : on se retrouve en compétition contre un autiste ou contre une personne déficiente intellectuelle d’1,90 m quand on fait 1,55 m... Camille, elle, elle n’a pas peur, la compétition elle adore, et la preuve, elle ramène des médailles quand même. Championne du monde en juin 2023, Camille a été reçue à l’Elysée par le Président Macron et cette année, elle portera la flamme olympique avec un collectif de sportifs de haut niveau trisomiques, comme elle. Ce sera le 22 juin à Roanne.

À noter, pour comprendre la fierté de Camille, de ces sportifs, de leur famille à être vu, enfin, du grand public : il n’y a pas non plus de catégorie trisomique aux Jeux Paralympiques et c’est pour eux une grande injustice. Ils ne peuvent pas y participer. Alors le 22 juin, ils et elles comptent bien montrer à toute la France qu’ils existent, qu’ils s’entrainent comme des fous, et que, après ou avant le sport, il y a le travail ! Camille travaille en cuisine, en "milieu ordinaire" comme elle dit, chez Buffalo Grill à Bourgoin Jallieu. Et elle est sportive de haut niveau, avec des ongles de princesse, peints en bleu blanc rouge. Et elle chante la Marseillaise par cœur quand elle est sur le podium, avec la main sur le cœur.
Sandrine, vous êtes présidente de l’association Chromosome Surprise and Co, quelle est la mission de cette association ? 

C’est un lieu d’écoute, pour poser ses « valises », pour les aidants et pour les aidés. Evidemment, les aidants ont besoin de souffler mais les handicapés, aussi, ont besoin de voir d’autres personnes et de faire d’autre chose qu’avec leur aidant ! Chromosome Surprise, c’est le chromosome en plus de Camille et le « and Co », ce sont tous les autres : nous accueillons tous les handicaps, tous les âges et toutes les maladies.

On commence par un café écoute et soit on oriente sur des associations (nous sommes partenaires du centre social) soit nous organisons des activités qui sont faites à la demande des aidants. Pendant que la maman d’Eric joue aux jeux de société, on masse les jambes d’Eric polyhandicapé ou on va le promener, par exemple. Il adore ça. Les rencontres ont lieu tous les 15 jours et nous sommes partenaires d’autres associations. Nous voulons casser les frontières entre le monde « ordinaire » et celui du handicap, quel qu’il soit, et montrer que tout est possible en s’adaptant un peu.

Camille intervient en entreprise et vous, auprès des jeunes en Service National Universel, quel est votre message phare ? 

Tout simplement, je leur demande de dire bonjour, de sourire et surtout de ne pas détourner les yeux quand on voit une personne handicapée, notamment mentale. De ne pas avoir peur, bien sûr, et aussi de bannir les mots qui sonnent comme des insultes : t’es triso, t’es débile, t’es autiste, t’es mongolien. Et les jeunes prennent conscience de ça très vite. Camille, elle, parle de son parcours de sportive et de la chance qu’elle a de travailler en milieu ordinaire... et de vivre avec sa famille. Travailler en ESAT et vivre en foyer, c’est un peu vivre caché « entre soi ». Le sport leur apporte aussi énormément et c’est chouette d’avoir du public « ordinaire » comme aux Global Games à Vichy où Camille a signé des autographes aux collégiens ! Elle était fière (et nous aussi !)

Je me souviens de la fois où dans le métro, une petite fille s’est arrêtée net devant Camille et que sa maman lui a dit « N’aie pas peur ». Evidemment, c’était pour bien faire, mais n’aie pas peur, c’est terrible à entendre pour Camille… Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour que ça change ? 

Je n’aime pas parler d’inclusion, tout le monde parle d’inclusion, je préfère parler de « vivre ensemble ». Inclure, de la manière dont c’est fait, ce n’est pas toujours bon. Et ça s’apprend d’accepter l’autre. Il faudrait que ce soit dans le programme scolaire d’apprendre à rencontrer des handicapés, physiques, mentaux et psychiques. À leur sourire, à leur parler, à partager avec eux. Cela s’apprend, l’acceptation de la différence. On pourrait donner une suite au film « Un p’tit truc en plus » avec des documentaires sur le tournage par exemple !

Camille va faire partie d’un collectif de porteurs de la flamme olympique le 22 juin à Roanne. Qu’est ce que cela signifie pour elle ? et pour vous ? 

Je suis très heureuse et elle aussi ! Camille adore l’idée de faire partie d’un collectif de trisomiques, c’est un message fort qui va être envoyé : « le vivre ensemble, c’est nous donner accès aux Jeux Paralympiques ! ». Voilà leur message.

Une phrase à dire aux parents d’enfants extraordinaires, de parents qui ne connaissent pas bien le handicap… et aux enseignants qui nous lisent ? 

Aux parents d’enfants handicapés : croyez en eux, tout est possible ! Aux familles éloignées du handicap : ne détournez pas les yeux, ouvrez votre cœur et celui de vos enfants. Aux enseignants : arrêtez de vous cacher derrière les « Je ne suis pas formée, je ne peux pas la prendre ». Eux, ils ont une capacité d’adaptation de dingue... alors, oui, vous êtes capable de vous adapter à l’handifférence !